Prose:Je M’appelle… Dame Terre !

Quel ton nom ?
… Je m’appelle DAME TERRE puisque je suis mariée, devinez avec qui ?
De visage on me dit la plus jeune de la famille car mes sœurs ont déjà bien vécu…
Mon Père de l’univers sait qu’il ne peut plus rien pour elles car son cœur est ailleurs, tout porté sur moi en ce temps qui est aussi le mien…
Il garde cependant un oeil sur mes congénères puisqu’elles servent encore à l’équilibre de son oeuvre, partie infime de ses grandes galaxies…
Elles ne sont pas entièrement mortes dans leur cœur et elles se donnent la main dans la ronde, c’est la règle du jeu du Maître des Cieux…
Nous ne nous embrassons pas mais nous nous influençons.
Proches, nous nous faisons des clins d’oeil complices à nous en tourner la tête…
Nous sommes toutes respectueuses de notre tuteur nourricier que vous connaissez… il s’appelle le chef d’orchestre « Maestro Soleil » !
Il ne nous quitte jamais et pour cause, nous ne pouvons pas nous passer de sa lumière bienfaisante et de sa chaleur de cœur…
Moi, Dame Terre, je suis sa préférée mais aussi la plus fragile de peau.
Mon ventre me pique un peu aux tropiques et se dessèche devant les ardeurs des rayons solaires qui exagèrent, mais du côté de mes hauts et de mes bas, je me couvre de gerçures difficiles à guérir et même je m’enrhume facilement…
Je n’en veux pas à mon ardent ami qui me guide dans la nuit de cet infiniment grand, là où je me perdrais sans espoir de retour…
Regardez avec quelle délicatesse malgré tout il me caresse par des gestes raisonnables, autrement qu’avec mes compagnes de la danse qui se gèlent ou qui cuisent…
Me permettez-vous de vous raconter ma petite histoire d’amour qui se perpétue jusqu’à aujourd’hui…
Je suis croyante le saviez-vous et mon Divin Créateur, que je n’ai pas bien compris à l’origine car j’étais vierge et insouciante dans la galaxie, m’avait préparé un merveilleux destin…
Comprenez mon émotion puis mon appréhension, quand j’appris que j’attendais un enfant alors que je n’avais pas consommé ! A moins que cela se soit passé pendant mon long sommeil ?
Les anges de Dieu me rassurèrent. C’était l’oeuvre de mon géniteur et je n’étais pas qu’une mère porteuse. Il avait pris mon limon pour pétrir un espoir de vie et il y avait joint aussi son Esprit…
Ce petit premier né s’appelait… Adam d’après ce qu’on m’a soufflé. A peine j’avais fait mes eaux que le voilà qui pointe d’un air décidé, son nez !
C’est vrai que depuis un certain temps, je sentais bouger en moi, mais à entrevoir l’évolution d’un petit être juste un peu plus gros qu’une fourmi, quand on compare mon tour de ventre… je tombais de haut !
Je n’aurais jamais imaginé ensuite, voir tous ces petits galopins gigoter dans tous les sens, pour m’apporter toutes ces joies mais aussi bien des contrariétés, car ils ne sont pas toujours très sages…
Ils ont pétri ma peau au-delà de la déraison, m’ont couvert d’eczémas difficile à guérir.
Ils ne vivent pas en bonne harmonie entre eux, se font souvent la guerre et héritent de maladies, victimes de leur méchanceté…
Je deviens aussi le cobaye de leurs expériences malheureuses et mon Maître me demande de mettre parfois de l’ordre dans mes toilettes… je secoue alors ma robe… et leurs frêles maisons s’écroulent !
Heurtant mon Père d’en haut, maintes fois j’ai eu ordre de défaire leurs inventions maladroites…
J’ai déjà dissous par le feu de mes entrailles et dans mes gouffres liquides, des peuples entiers avec leurs villes et leurs bateaux… mais ils ne comprennent toujours pas !
Que dois-je faire pour les convaincre qu’ils doivent impérativement s’aimer ?
Un Fils d’Homme presque comme eux est venu, ils n’en ont pas voulu et il a été enlevé dans les sphères…
Il me prépare à le recevoir à nouveau un jour, mais ce sera dans la douleur des uns… et pour les autres dans un nouveau règne invisible de l’Esprit…
« Le Grand Investigateur » voudra aussi changer le cours des choses et mon visage se pâmera d’un nouveau maquillage beaucoup plus agréable à l’oeil et au cœur…
Seront-ils prêts alors ? Oui il faudra bien !
J’appréhende tous ces bouleversements promis, mais en définitive je fais confiance de jour comme de nuit en mon insoupçonné destin et je me remets entre les mains de celui qui me demande de remplir mon service, toute dévouée au bonheur de mes enfants chéris, les hommes…
Bien sûr j’aime aussi tout ce qui vit… les bestioles et les végétaux… les terres et les mers… les montagnes et les plaines…
Mais je vous avoue, ma petite préférence ce sont mes gamins et il va de soit que je garde encore une réelle confiance, mais le puis-je encore ? …
En attendant je poursuis ma vraie vocation ? Je la remplis avec joie et je tourne… et je tourne… et je tourne…