Texte:Muse

Les larmes défilaient sur ses joues. Ses lèvres étaient ouvertes, des phrases muettes s’échappant. Elle voulait exprimer toutes ces images apparaissant derrière ses yeux, mais les mots ne restaient que des vagues souvenirs du passé. Elle enviait tous ces artistes aux doigts agiles de notes. Elle enviait tous ces artistes capables de peindre leurs moindres désirs. Elle enviait tous ces auteurs à la plume sanglante. Paralysée dans le noir, la femme était perdue, cherchant sa muse. Elle disait que le temps lui manquait, mais là, à regarder le soleil se lever, seule l’inspiration lui faisait défaut. L’encre était sèche, les mots usés manquant de cette verve habituelle. Des gouttes salées tachaient le papier, humidifiant ces caractères sans vie. Elle voulait crier jusqu’à ce qu’elle vomisse ces phrases coincées dans sa gorge depuis des jours, des mois, des années. Plus jeune, plus innocente, elle avait gaspillé ces mots en les étalant sans queue ni tête. Maintenant, il ne lui restait que quelques pauvres syllabes vagabondant dans son esprit. Peut-être la vieillesse lui enleva-t-elle cette capacité d’exprimer ses émotions. Peut-être fut-ce cette vie qui grava son passage dans sa chair. Ou peut-être fut-ce elle qui refusa de regarder la réalité laissant tout ce qu’il y avait à dire sur le bord du chemin, perdue dans un monde où les mots n’avaient pas leur place. Perdue dans un univers où elle-même n’avait même pas lieu d’être.