Poème:Tel Épris Qui Croyait Prendre

Alors que git à terre son peignoir,
C’est ce midi une beauté nordique,
Neigeuse, arc-boutée nue contre un miroir,
Qui est au menu de mon pique-nique.

Une taiseuse qui sans fin s’observe,
Perdue dans le bleu glacier de ses yeux,
Vaporeuse, comme sourde à ma verve,
Sous la folle blondeur de ses cheveux.

Son face à face avec le mur de verre
M’a garanti l’appui sûr de ses hanches,
Mais l’arc de son dos garde le mystère
De mots enfouis dans ses courbes blanches.

Penchée en avant, campée sur ses quilles,
Sa bouche, dans cette course sur place,
Dévoile à peine que son corps frétille
D’un rond de buée qui croît sur la glace.

Est-ce une vestale sortie d’un temple,
Qui dans un long silence assourdissant
S’offre naïve, et passive se contemple
Vivre muette un plaisir grandissant ?

Dans une pose toujours plus lascive
Elle ondule en modérant ses émois,
Rêveuse secrète, songeuse et pensive,
Présente pour elle, absente pour moi.

Soumise, mais à quel point innocente,
Qui me néglige après m’avoir séduit…
Je la soupçonne d’être indifférente
A qui l’étreint tendrement aujourd’hui.

Homme objet qui s’est cru, -héros ou Dieu-,
Au repos du guerrier, sans nul fait d’armes,
Ta conquête part seule vers les cieux,
Affranchie au jeu du sexe et du charme !

Lors sur sa peau laiteuse je m’attarde,
Et c’est un horizon nouveau qui s’ouvre,
Un spectacle auquel je n’avais pris garde,
Et que dans notre langueur je découvre…

Le ballet moelleux de ses omoplates,
Qui, à chacun de mes lents coups de reins,
Montent dans sa chair comme dans la ouate,
Puis retombent dans un flegme serein.

Je mesure en ce va-et-vient ma chance,
Nulle flamme, couleur, parfum, épice,
Simplement l’amour avec nonchalance,
Chacun pour soi, sans aucun artifice,

Laissant venir en douceur les pulsions,
L’organique plaisir de deux amants,
Qui s’enlacent sans autre explication
Que la forte attraction de deux aimants.