Prose:Carré Des Absents

Papa,
Si tu nous avais aimés,
Si tu avais su rester,
Nos cœurs n’auraient pas tant pleuré
Dans le silence des années.

Si tu avais tendu les bras,
Au lieu de fuir, de dire « pas ça »,
Tu ne dormirais pas là-bas,
Dans ce carré qu’on ne voit pas.

Pas de fleurs, pas de monument,
Juste un numéro, froid, gênant.
Pas de regard, pas de présent,
Juste l’oubli, comme un néant.

Tu ne disais rien, tu faisais peu,
Tu nous frappais au mieux.
Et maintenant, c’est le destin
Qui t’a couché sans lendemain.

Pas de cercueil en bois verni,
Pas de discours, pas d’amis.
Juste la terre, un peu de pluie,
Et l’indifférence pour abri.

Papa,
Si tu nous avais vus,
Si tu avais dit « je suis revenu »,
Tu aurais eu, dans l’avenue,
Des pas, des mains, des mots connus.

Tu vois, l’amour ça laisse des traces.
L’absence aussi.
Et la tienne,
Elle s’est gravée dans le marbre du manque.

Papa,
Si tu nous avais aimés,
Tu ne serais pas parti seul,
Tu ne serais pas revenu sans visage,
Tu ne serais pas devenu
Un silence administratif.

Papa,
Tu ne le sauras jamais,
Mais ton nom vit dans ma mémoire,
J’ai gardé ton ombre en espoir.
Et même si le temps s’efface,
Au fond de moi, je t’ai aimé… .