Univers de poésie d'un auteur

Prose:La Belote De L’enfer (Nouvelle)

La Prose

La belote de l’enfer
Nous avions décidé, en cette fin de printemps d’aller visiter les vestiges du temps.
Là où nos aînés ont versé leur sang.
Nous avons donc pris la direction de Verdun.
On ne s’en souvient pas pourquoi, sur notre route, notre voiture s’est arrêtée à l’entrée d’un bois.
Souhaitait-elle se reposer ?
Souhaitons-nous nous restaurer ?
Toujours est-il que nous nous sommes engagés sur le sentier.
Au bout, il y avait un parking de gazon, aménagé.
Les rayons du jeune soleil d’avril essayaient de traverser une canopée déjà bien fournie, ce qui assombrissait le lieu.
A deux cents mètres, les ruines d’une petite chapelle s’y dressaient.
Intrigués, nous nous sommes dirigés vers cet endroit.
Autour, quelques rares tombes abandonnées, oubliées par l’infortune au fil des années,
avaient les pieds noyés dans la vase et les dalles chavirées telles des épaves.
Un grand panneau nous informait que nous étions sur le site d’un village détruit de quelques centaines d’habitants.
IL nous résumait son histoire d’antan, ses derniers jours avant la der des ders.
Puis, nous avons emprunté un large chemin d’herbes, légèrement en pente.
Sur un petit panneau on pouvait y lire : « Rue de l’Eglise ».
A gauche et à droite on y voyait de nombreuses petites mottes recouvertes d’une grasse mousse verte, qui parfois étaient déchirées par l’angle d’une pierre noircie.
De vieilles souches d’arbres, éclatées au bord d’un trou, rappelaient la chute de l’obus.
A mi-chemin, un autre petit panneau nous arrêta. « Ecole communale » !
Martine s’engagea dans les ruines de la cour.
Elle institutrice et cela la bouleverse.
Moi, j’étais posté à l’entrée de l’antique portique métallique, le pied reposant sur la pierre d’un linteau.
C’est alors que le vent se leva.
D’une main légère il caressa le buisson solitaire.
Un bourdonnement de plus en plus précis se fit entendre.
Oui, oui, c’est bien cela !
Ce sont bien les cris joyeux des enfants d’antan que l’on entend.
C’est alors que les nuages se mirent à danser, le soleil devint éclatant et le ciel jaune.
Soudain, le klaxon fatigué de la Torpédo du docteur Louis me fit sursauter.
J’eus juste le temps de m’écarter.
De sa main droite, il me salua.
A l’angle de l’école, un char à bancs surgit.
C’est le vieux Robert qui se rend au bistro, chez la belle Jeannette. La Madelon du coin.
Dans la cour, les enfants sont en récréation.
A gauche l’école des garçons, à droite celle des filles.
Charles, l’instituteur, surveille de son regard inquisiteur la dizaine de galopins en culottes courtes et aux genoux écorchés qui chahutent.
IL est plus attentif envers ce grand benêt de Jules, toujours enclin à commettre la moindre bêtise.
Charles est fier de faire ce beau et noble métier d’instituteur.
Il fait partie des notables du village et participe énormément à la vie communale.
Par-dessus ses lorgnons, ses yeux myopes et timides s’évadent souvent en direction de l’adorable Aurore, sa collègue en charge de la classe des filles.
IL en est secrètement amoureux.
Mais c’est un secret découvert.
En effet, ses élèves se sont bien rendu compte de son manège.
Ils n’hésitent pas, avec la perfidie de leur âge, à le lui rappeler.
Je fus bousculé par une tape amicale en partie haute de mon dos.
C’est Jean, le fils du Robert, accompagné par Raymond le clerc de notaire, qui d’un grand sourire m’interpelle joyeusement.
« Eh bien, Loïc, que fais-tu là, tu regardes notre belle institutrice. En pincerais-tu pour elle ?
Fais attention c’est chasse gardée ! Et je te rappelle que tu es marié. Elle n’est pas avec toi ta bourgeoise ? »
Je balbutiai quelques mots inaudibles.
Puis le Jean me fit.
- « Tu viens nous retrouver, tantôt, à l’apéro, chez Jeannette, on va y faire une petite belote »
- « Oui, oui répondis-je. »

Je recherchais du regard ma Martine.
Elle sort juste de chez l’épicier.
Elle traverse la rue en ma direction.
Elle a une magnifique coiffure relevée, le tout surmonté d’un beau petit chapeau à la mode qui lui va si bien.
Elle manipule avec grâce et dextérité une petite ombrelle de dentelle.
Elle s’approche, me sourit et me dit :
« Oh, Loïc, tu dors ou quoi ? Dis-moi, Loïc, tu peux me prendre en photo dans les ruines de l’école ».
Je me réveille, le ciel s’est assombri.
De sombres nuages déchirent le ciel et semblent annonciateurs d’un précoce orage.
Machinalement je sors du revers de ma veste un téléphone mobile noir, ultra-plat aux innombrables fonctions, qui m’apparaît tout d’un coup bien futuriste et futile…
Au loin l’orage gronde.
Mon rêve semble pourtant se poursuivre.
Je suis transbordé dans le temps.
Le visage du Jean, son sourire moqueur, c’est sûr, je le connais !
Ah oui, bien sur, c’est mon ami d’enfance !
Depuis tous petits nous nous suivons sur les bancs de l’école communale.
Nous avons, ensemble passé notre certificat d’études et fait notre service militaire dans la même caserne à Versailles, située à deux pas du château.
Lui a préféré aider son père à la ferme, et pour ma part j’ai continué mes études à Nancy.
La pluie tombe en de violentes averses.
Je suis fatigué, je tremble, j’ai peur.
Durant des heures on a vécu l’horreur.
Jusqu’aux os, le froid me transperce.
Qu’est-ce qu’ils nous ont mis les « Feldgrau » avec leur artillerie.
Ce fut une véritable boucherie.
Mais on a tenu bon, on s’est relevé,
et toute la nuit, nos fusils ont crépité.
Mes mains sont emmitouflées dans des mitaines de laine.
Elles serrent fortement mon lebel.
Sur ma baïonnette coule le sang de la haine.
Je suis déboussolé, tout me semble irrationnel.
J’ai les brodequins enfoncés dans la boue.
Depuis l’aube, nous sommes dans ce trou.
J’ai le dos et le cul trempés, de terre je suis couvert.
Face à moi, Jean est là, les yeux grands ouverts.
Il ne bouge pas, son casque est déchiqueté de part en part.
Il ne lui aura servi d’aucun rempart.
Comme à son habitude, il me sourit.
Il semble serein et épanouit.
Nous partageons ce funeste abri,
avec les corps sans vie de deux casques à pointe.
L’un gît à mes côtés, les mains jointes,
l’œil énucléé et la bouche grande ouverte.
Déjà, il reçoit la visite de grosses mouches vertes,
nouvelles locataires qui profitent de l’ouverture
en quête de nourriture.
L’autre, est aux pieds de Jean,
la face plantée dans le fond résiduel d’eau de la cuvette,
les bottes dressées au ciel telles des girouettes.
Au loin, j’entends le bruit de la canonnade.
V’là qu’ils remettent cela ! Les cons !
Tout autour de la position explosent des grenades.
Je me blottis dans la boue comme dans un cocon.
Des obus sifflent, je suis pris de convulsions.
Je panique, je flanche et perd raison.
Je ne tiens plus dans cette tombe exigüe.
Soudain, un sifflement plus aigüe.
Merde ! Celui-là, c’est pour ma pomme !
Son violent souffle m’assomme.
Ah ! Ma tête !
Une grosse claque !
Un coup de matraque !
Que j’ai mal !
Je n’ai plus froid… je me réveille.
Oh ! Que rien n’est pareil
Je me sens bien !
Jean me regarde, me dit en ricanant :
« Ah ! Mon pauvre, si tu voyais ta tête ! »
A la vue de la sienne, je le trouve bien arrogant.
Il sort un paquet de brunes du revers de sa veste.
Il en prend une, et tranquillement allume la cigarette.
Il se débarrasse du reste de son casque et de sa capote.
De sa chemise il en sort un jeu de cartes.
« Allez mon gars, on fait une belote ! »
Les deux salauds de Boches se joignent à la partie.
L’un me tend une bouteille de schnaps. Ouah, ça déménage !
Dans mes intestins, ouverts au vent, c’est le remue-ménage.
Alors, avec cet improbable camarade,
débute une franche rigolade.
Jean, pour sa part, partage avec l’autre une piquette de Provence.
La partie commence !
Du haut du cratère, un jeune lieutenant de l’armée Française et deux brancardiers contemplent la scène.
« Pour eux, c’est fichu ! »
Martine me prit par le bras.
Elle avait fermé son ombrelle et s’en servait, maintenant avec légèreté comme d’une canne.
Nous nous engageons à droite de l’école, vers la Mairie, puis avançons le long de la « Grand’rue ».
Sur la droite, les portes de la Forges étaient grandes ouvertes.
De là s’échappait une odeur familière d’un journal brulé, mélangé au charbon ardent.
Le forgeron, en « Marcel », transpirait.
Ses muscles luisants du haut de son bras bouleverseraient les émotions féminines !
Tel un métronome, il martelait alternativement le métal rougi et l’enclume.
Un coup pour l’enclume, deux coups sur le fer.
Deux coups pour l’enclume, un coup sur le fer.
- « Allez venez prendre un verre, profitez de la terrasse en cette belle journée ! »
C’est encore Jean qui nous appelle.
J’aime bien ce gars, boute-en-train, sympathique et éternellement joyeux.
Ma Martine et moi prenons place à sa table.
Aux côtés de Jean, Le Raymond, son souffre-douleur.
Il m’amuse ce gros clerc. Toujours fourré aux Basques de son bourreau.
M’enfin, c’est ainsi.
Martine commande une limonade et moi un pastis.
La belle Jeannette au décolleté profond, à faire perdre raison au plus prude des hommes, vint nous servir.
A la table voisine, le curé au nez rouge comme le vin de son verre discute ardemment avec Monsieur le Maire, pharmacien de son état.
Il aime cela, le vin, n’tre curé.
Comme il le dit, il n’y à point pêché d’aimer les bonnes choses.
Il est gouailleur et bon vivant.
Mais que m’arrive-t-il ?
Je suis déboussolé !
Je perds toutes notions, suis-je en train de perdre raison ? M’enfin, je suis transposé.
Je suis trempé, cette pluie froide me saisit jusqu’aux os.
Je suis là, face aux ruines de la taverne de Jeannette.
J’entends le tocsin qui s’étouffe !
Les visages de Jean, du curé et du clerc s’effacent lentement, doucement.
Machinalement, je lève ma main, salue l’assemblée qui s’évanouit dans le temps.
Sur ma tête j’y place ma casquette.
Un peu plus haut, Martine me regarde.
Incrédule elle m’interroge.
- « Qui salues-tu ainsi ? »
- « Oh ! rien ! Je ne sais pas ! Lui fis-je, incapable de lui raconter mon songe.
- » Mais ? Ça va ? me demande-t-elle.
- « Oui, oui très bien, lui répondis-je, ce lieu est fantastique ».
- « C’est prenant, me fit elle d’un air grave.
Je savais bien qu’elle pensait à la petite école détruite.
Nous avons repris notre route.
Un bref instant, en portant le regard vers le rétroviseur intérieur, j’eus l’impression d’apercevoir la furtive silhouette de Jean qui regardait notre véhicule » s’éloigner.

L. ROUSSELOT
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Poeme de Loic Rousselot

Poète Loic Rousselot

Loic Rousselot a publié sur le site 120 écrits. Loic Rousselot est membre du site depuis l'année 2014.

Syllabation De L'Écrit

Phonétique : La Belote De L’enfer (Nouvelle)la bəlɔtə də lɑ̃fe
nuz- avjɔ̃ deside, ɑ̃ sεtə fɛ̃ də pʁɛ̃tɑ̃ dale vizite lε vεstiʒə dy tɑ̃.
la u noz- εnez- ɔ̃ vεʁse lœʁ sɑ̃.
nuz- avɔ̃ dɔ̃k pʁi la diʁεksjɔ̃ də vεʁdœ̃.
ɔ̃ nə sɑ̃ suvjɛ̃ pa puʁkwa, syʁ nɔtʁə ʁutə, nɔtʁə vwatyʁə sεt- aʁεte a lɑ̃tʁe dœ̃ bwa.
suεtε tεllə sə ʁəpoze ?
suεtɔ̃ nu nu ʁεstoʁe ?
tuʒuʁz- εt- il kə nu nu sɔməz- ɑ̃ɡaʒe syʁ lə sɑ̃tje.
o bu, il i avε œ̃ paʁkiŋ də ɡazɔ̃, amenaʒe.
lε ʁεjɔ̃ dy ʒənə sɔlεj davʁil esεjε də tʁavεʁse ynə kanɔpe deʒa bjɛ̃ fuʁni, sə ki asɔ̃bʁisε lə ljø.
a dø sɑ̃ mεtʁə, lε ʁɥinə dynə pətitə ʃapεllə si dʁesε.
ɛ̃tʁiɡe, nu nu sɔmə diʁiʒe vεʁ sεt ɑ̃dʁwa.
otuʁ, kεlk ʁaʁə tɔ̃bəz- abɑ̃dɔne, ublje paʁ lɛ̃fɔʁtynə o fil dεz- ane,
avε lε pje nwaje dɑ̃ la vazə e lε dalə ʃaviʁe tεllə dεz- epavə.
œ̃ ɡʁɑ̃ pano nuz- ɛ̃fɔʁmε kə nuz- esjɔ̃ syʁ lə sitə dœ̃ vilaʒə detʁɥi də kεlk sɑ̃tεnə dabitɑ̃.
il nu ʁezymε sɔ̃n- istwaʁə dɑ̃tɑ̃, sε dεʁnje ʒuʁz- avɑ̃ la dεʁ dε dεʁ.
pɥi, nuz- avɔ̃z- ɑ̃pʁœ̃te œ̃ laʁʒə ʃəmɛ̃ dεʁbə, leʒεʁəmɑ̃ ɑ̃ pɑ̃tə.
syʁ œ̃ pəti pano ɔ̃ puvε i liʁə : « ʁy də lεɡlizə ».
a ɡoʃə e a dʁwatə ɔ̃n- i vwajε də nɔ̃bʁøzə pətitə mɔtə ʁəkuvεʁtə- dynə ɡʁasə musə vεʁtə, ki paʁfwaz- etε deʃiʁe paʁ lɑ̃ɡlə dynə pjeʁə nwaʁsi.
də vjεjə suʃə daʁbʁə, eklatez- o bɔʁ dœ̃ tʁu, ʁapəlε la ʃytə də lɔby.
a mi ʃəmɛ̃, œ̃n- otʁə pəti pano nuz- aʁεta. « əkɔlə kɔmynalə » !
maʁtinə sɑ̃ɡaʒa dɑ̃ lε ʁɥinə də la kuʁ.
εllə ɛ̃stitytʁisə e səla la buləvεʁsə.
mwa, ʒetε pɔste a lɑ̃tʁe də lɑ̃tikə pɔʁtikə metalikə, lə pje ʁəpozɑ̃ syʁ la pjeʁə dœ̃ lɛ̃to.
sεt- alɔʁ kə lə vɑ̃ sə ləva.
dynə mɛ̃ leʒεʁə il kaʁesa lə bɥisɔ̃ sɔlitεʁə.
œ̃ buʁdɔnəmɑ̃ də plysz- ɑ̃ plys pʁesi sə fi ɑ̃tɑ̃dʁə.
ui, ui, sε bjɛ̃ səla !
sə sɔ̃ bjɛ̃ lε kʁi ʒwajø dεz- ɑ̃fɑ̃ dɑ̃tɑ̃ kə lɔ̃n- ɑ̃tɑ̃.
sεt- alɔʁ kə lε nɥaʒə sə miʁe a dɑ̃se, lə sɔlεj dəvɛ̃ eklatɑ̃ e lə sjεl ʒonə.
sudɛ̃, lə klaksɔ̃ fatiɡe də la tɔʁpedo dy dɔktœʁ lui mə fi syʁsote.
ʒy ʒystə lə tɑ̃ də mekaʁte.
də sa mɛ̃ dʁwatə, il mə salɥa.
a lɑ̃ɡlə də lekɔlə, œ̃ ʃaʁ a bɑ̃ syʁʒi.
sε lə vjø ʁɔbεʁ ki sə ʁɑ̃t- o bistʁo, ʃe la bεllə ʒanεtə. la madəlɔ̃ dy kwɛ̃.
dɑ̃ la kuʁ, lεz- ɑ̃fɑ̃ sɔ̃t- ɑ̃ ʁekʁeasjɔ̃.
a ɡoʃə lekɔlə dε ɡaʁsɔ̃, a dʁwatə sεllə dε fijə.
ʃaʁlə, lɛ̃stitytœʁ, syʁvεjə də sɔ̃ ʁəɡaʁ ɛ̃kizitœʁ la dizεnə də ɡalɔpɛ̃z- ɑ̃ kylɔtə kuʁtəz- e o ʒənuz- ekɔʁʃe ki ʃayte.
il ε plysz- atɑ̃tif ɑ̃vεʁ sə ɡʁɑ̃ bənε də ʒylə, tuʒuʁz- ɑ̃klɛ̃ a kɔmεtʁə la mwɛ̃dʁə bεtizə.
ʃaʁləz- ε fje də fεʁə sə bo e nɔblə metje dɛ̃stitytœʁ.
il fε paʁti dε nɔtablə dy vilaʒə e paʁtisipə enɔʁmemɑ̃ a la vi kɔmynalə.
paʁ dəsy sε lɔʁɲɔ̃, sεz- iø miɔpəz- e timidə sevade suvɑ̃ ɑ̃ diʁεksjɔ̃ də ladɔʁablə oʁɔʁə, sa kɔlεɡ ɑ̃ ʃaʁʒə də la klasə dε fijə.
il ɑ̃n- ε sεkʁεtəmɑ̃ amuʁø.
mε sεt- œ̃ sεkʁε dekuvεʁ.
ɑ̃n- efε, sεz- elεvə sə sɔ̃ bjɛ̃ ʁɑ̃dy kɔ̃tə də sɔ̃ manεʒə.
il nezite pa, avεk la pεʁfidi də lœʁ aʒə, a lə lɥi ʁapəle.
ʒə fy buskyle paʁ ynə tapə amikalə ɑ̃ paʁti-otə də mɔ̃ do.
sε ʒɑ̃, lə fis dy ʁɔbεʁ, akɔ̃paɲe paʁ ʁεmɔ̃ lə klεʁ də nɔtεʁə, ki dœ̃ ɡʁɑ̃ suʁiʁə mɛ̃tεʁpεllə ʒwajøzəmɑ̃.
« ε bjɛ̃, lɔik, kə fε ty la, ty ʁəɡaʁdə- nɔtʁə bεllə ɛ̃stitytʁisə. ɑ̃ pɛ̃səʁε ty puʁ εllə ?
fεz- atɑ̃sjɔ̃ sε ʃasə ɡaʁde ! e ʒə tə ʁapεllə kə ty ε maʁje. εllə nε pa avεk twa ta buʁʒwazə ? »
ʒə balbytjε kεlk moz- inodiblə.
pɥi lə ʒɑ̃ mə fi.
« ty vjɛ̃ nu ʁətʁuve, tɑ̃to, a lapeʁo, ʃe ʒanεtə, ɔ̃ va i fεʁə ynə pətitə bəlɔtə »
« ui, ui ʁepɔ̃di ʒə. »

ʒə ʁəʃεʁʃε dy ʁəɡaʁ ma maʁtinə.
εllə sɔʁ ʒystə də ʃe lepisje.
εllə tʁavεʁsə la ʁy ɑ̃ ma diʁεksjɔ̃.
εllə a ynə maɲifikə kwafyʁə ʁələve, lə tu syʁmɔ̃te dœ̃ bo pəti ʃapo a la mɔdə ki lɥi va si bjɛ̃.
εllə manipylə avεk ɡʁasə e dεksteʁite ynə pətitə ɔ̃bʁεllə də dɑ̃tεllə.
εllə sapʁoʃə, mə suʁi e mə di :
« ɔ, lɔik, ty dɔʁz- u kwa ? di mwa, lɔik, ty pø mə pʁɑ̃dʁə ɑ̃ fɔto dɑ̃ lε ʁɥinə də lekɔlə ».
ʒə mə ʁevεjə, lə sjεl sεt- asɔ̃bʁi.
də sɔ̃bʁə- nɥaʒə deʃiʁe lə sjεl e sɑ̃ble anɔ̃sjatœʁ dœ̃ pʁekɔsə ɔʁaʒə.
maʃinaləmɑ̃ ʒə sɔʁ dy ʁəve də ma vεstə œ̃ telefɔnə mɔbilə nwaʁ, yltʁa pla oz- inɔ̃bʁablə fɔ̃ksjɔ̃, ki mapaʁε tu dœ̃ ku bjɛ̃ fytyʁistə e fytilə…
o lwɛ̃ lɔʁaʒə ɡʁɔ̃də.
mɔ̃ ʁεvə sɑ̃blə puʁtɑ̃ sə puʁsɥivʁə.
ʒə sɥi tʁɑ̃zbɔʁde dɑ̃ lə tɑ̃.
lə vizaʒə dy ʒɑ̃, sɔ̃ suʁiʁə mɔkœʁ, sε syʁ, ʒə lə kɔnε !
a ui, bjɛ̃ syʁ, sε mɔ̃n- ami dɑ̃fɑ̃sə !
dəpɥi tus pəti nu nu sɥivɔ̃ syʁ lε bɑ̃ də lekɔlə kɔmynalə.
nuz- avɔ̃, ɑ̃sɑ̃blə pase nɔtʁə sεʁtifika detydəz- e fε nɔtʁə sεʁvisə militεʁə dɑ̃ la mεmə kazεʁnə a vεʁsajə, sitye a dø pa dy ʃato.
lɥi a pʁefeʁe εde sɔ̃ pεʁə a la fεʁmə, e puʁ ma paʁ ʒε kɔ̃tinye mεz- etydəz- a nɑ̃si.
la plɥi tɔ̃bə ɑ̃ də vjɔlɑ̃təz- avεʁsə.
ʒə sɥi fatiɡe, ʒə tʁɑ̃blə, ʒε pœʁ.
dyʁɑ̃ dεz- œʁz- ɔ̃n- a veky lɔʁœʁ.
ʒyskoz- os, lə fʁwa mə tʁɑ̃spεʁsə.
kε sə kil nuz- ɔ̃ mi ləs « fεldɡʁo » avεk lœʁ aʁtijʁi.
sə fy ynə veʁitablə buʃəʁi.
mεz- ɔ̃n- a təny bɔ̃, ɔ̃ sε ʁələve,
e tutə la nɥi, no fyzilz- ɔ̃ kʁepite.
mε mɛ̃ sɔ̃t- ɑ̃mitufle dɑ̃ dε mitεnə də lεnə.
εllə seʁe fɔʁtəmɑ̃ mɔ̃ ləbεl.
syʁ ma bajɔnεtə kulə lə sɑ̃ də la-εnə.
ʒə sɥi debusɔle, tu mə sɑ̃blə iʁasjɔnεl.
ʒε lε bʁɔdəkɛ̃z- ɑ̃fɔ̃se dɑ̃ la bu.
dəpɥi lobə, nu sɔmə dɑ̃ sə tʁu.
ʒε lə doz- e lə kyl tʁɑ̃pe, də teʁə ʒə sɥi kuvεʁ.
fasə a mwa, ʒɑ̃ ε la, lεz- iø ɡʁɑ̃z- uvεʁ.
il nə buʒə pa, sɔ̃ kaskə ε deʃikəte də paʁ ɑ̃ paʁ.
il nə lɥi oʁa sεʁvi dokœ̃ ʁɑ̃paʁ.
kɔmə a sɔ̃-abitydə, il mə suʁi.
il sɑ̃blə səʁɛ̃ e epanui.
nu paʁtaʒɔ̃ sə fynεstə abʁi,
avεk lε kɔʁ sɑ̃ vi də dø kaskz- a pwɛ̃tə.
lœ̃ ʒit a mε kote, lε mɛ̃ ʒwɛ̃tə,
lœj enyklee e la buʃə ɡʁɑ̃də uvεʁtə.
deʒa, il ʁəswa la vizitə də ɡʁɔsə muʃə vεʁtə,
nuvεllə lɔkatεʁə ki pʁɔfite də luvεʁtyʁə
ɑ̃ kεtə də nuʁʁityʁə.
lotʁə, εt- o pje də ʒɑ̃,
la fasə plɑ̃te dɑ̃ lə fɔ̃ ʁezidɥεl do də la kyvεtə,
lε bɔtə dʁesez- o sjεl tεllə dε ʒiʁuεtə.
o lwɛ̃, ʒɑ̃tɑ̃ lə bʁɥi də la kanɔnadə.
vla kil ʁəmεte səla ! lε kɔ̃ !
tut- otuʁ də la pozisjɔ̃ εksploze dε ɡʁənadə.
ʒə mə blɔti dɑ̃ la bu kɔmə dɑ̃z- œ̃ kɔkɔ̃.
dεz- ɔby sifle, ʒə sɥi pʁi də kɔ̃vylsjɔ̃.
ʒə panikə, ʒə flɑ̃ʃə e pεʁ ʁεzɔ̃.
ʒə nə tjɛ̃ plys dɑ̃ sεtə tɔ̃bə εɡziʒy.
sudɛ̃, œ̃ sifləmɑ̃ plysz- εʒy.
mεʁdə ! səlɥi la, sε puʁ ma pɔmə !
sɔ̃ vjɔle suflə masɔmə.
a ! ma tεtə !
ynə ɡʁɔsə klakə !
œ̃ ku də matʁakə !
kə ʒε mal !
ʒə nε plys fʁwa… ʒə mə ʁevεjə.
ɔ ! kə ʁjɛ̃ nε paʁεj
ʒə mə sɑ̃s bjɛ̃ !
ʒɑ̃ mə ʁəɡaʁdə, mə di ɑ̃ ʁikanɑ̃ :
« a ! mɔ̃ povʁə, si ty vwajε ta tεtə ! »
a la vɥ də la sjεnə, ʒə lə tʁuvə bjɛ̃ aʁɔɡɑ̃.
il sɔʁ œ̃ pakε də bʁynə dy ʁəve də sa vεstə.
il ɑ̃ pʁɑ̃t- ynə, e tʁɑ̃kjmɑ̃ alymə la siɡaʁεtə.
il sə debaʁasə dy ʁεstə də sɔ̃ kaskə e də sa kapɔtə.
də sa ʃəmizə il ɑ̃ sɔʁ œ̃ ʒø də kaʁtə.
« ale mɔ̃ ɡaʁ, ɔ̃ fε ynə bəlɔtə ! »
lε dø salo də boʃə sə ʒwaɲe a la paʁti.
lœ̃ mə tɑ̃t- ynə butεjə də ʃnap. ua, sa demenaʒə !
dɑ̃ mεz- ɛ̃tεstɛ̃, uvεʁz- o vɑ̃, sε lə ʁəmɥ menaʒə.
alɔʁ, avεk sεt ɛ̃pʁɔbablə kamaʁadə,
debytə ynə fʁɑ̃ʃə ʁiɡɔladə.
ʒɑ̃, puʁ sa paʁ, paʁtaʒə avεk lotʁə ynə pikεtə də pʁɔvɑ̃sə.
la paʁti kɔmɑ̃sə !
dy-o dy kʁatεʁə, œ̃ ʒənə ljøtənɑ̃ də laʁme fʁɑ̃sεzə e dø bʁɑ̃kaʁdje kɔ̃tɑ̃ple la sεnə.
« puʁ ø, sε fiʃy ! »
maʁtinə mə pʁi paʁ lə bʁa.
εllə avε fεʁme sɔ̃n- ɔ̃bʁεllə e sɑ̃ sεʁvε, mɛ̃tənɑ̃ avεk leʒεʁəte kɔmə dynə kanə.
nu nuz- ɑ̃ɡaʒɔ̃z- a dʁwatə də lekɔlə, vεʁ la mεʁi, pɥiz- avɑ̃sɔ̃ lə lɔ̃ də la « ɡʁɑ̃dʁyə ».
syʁ la dʁwatə, lε pɔʁtə- də la fɔʁʒəz- etε ɡʁɑ̃dəz- uvεʁtə.
də la seʃapε ynə ɔdœʁ familjεʁə dœ̃ ʒuʁnal bʁyle, melɑ̃ʒe o ʃaʁbɔ̃ aʁde.
lə fɔʁʒəʁɔ̃, ən « maʁsəl », tʁɑ̃spiʁε.
sε mysklə lɥizɑ̃ dy-o də sɔ̃ bʁa buləvεʁsəʁε lεz- emɔsjɔ̃ femininə !
tεl œ̃ metʁonomə, il maʁtəlε altεʁnativəmɑ̃ lə metal ʁuʒi e lɑ̃klymə.
œ̃ ku puʁ lɑ̃klymə, dø ku syʁ lə fεʁ.
dø ku puʁ lɑ̃klymə, œ̃ ku syʁ lə fεʁ.
« ale vəne pʁɑ̃dʁə œ̃ veʁə, pʁɔfite də la teʁasə ɑ̃ sεtə bεllə ʒuʁne ! »
sεt- ɑ̃kɔʁə ʒɑ̃ ki nuz- apεllə.
ʒεmə bjɛ̃ sə ɡaʁ, butə ɑ̃ tʁɛ̃, sɛ̃patikə e etεʁnεllmɑ̃ ʒwajø.
ma maʁtinə e mwa pʁənɔ̃ plasə a sa tablə.
o kote də ʒɑ̃, lə ʁεmɔ̃, sɔ̃ sufʁə dulœʁ.
il mamyzə sə ɡʁo klεʁ. tuʒuʁ fuʁʁe o bask də sɔ̃ buʁʁo.
mɑ̃fɛ̃, sεt- ɛ̃si.
maʁtinə kɔmɑ̃də ynə limɔnadə e mwa œ̃ pasti.
la bεllə ʒanεtə o dekɔlte pʁɔfɔ̃, a fεʁə pεʁdʁə ʁεzɔ̃ o plys pʁydə dεz- ɔmə, vɛ̃ nu sεʁviʁ.
a la tablə vwazinə, lə kyʁe o ne ʁuʒə kɔmə lə vɛ̃ də sɔ̃ veʁə diskytə aʁdamɑ̃ avεk məsjø lə mεʁə, faʁmasjɛ̃ də sɔ̃n- eta.
il εmə səla, lə vɛ̃, ntʁə kyʁe.
kɔmə il lə di, il ni a pwɛ̃ pεʃe dεme lε bɔnə ʃozə.
il ε ɡuajœʁ e bɔ̃ vivɑ̃.
mε kə maʁivə til ?
ʒə sɥi debusɔle !
ʒə pεʁd tutə nɔsjɔ̃, sɥi ʒə ɑ̃ tʁɛ̃ də pεʁdʁə ʁεzɔ̃ ? mɑ̃fɛ̃, ʒə sɥi tʁɑ̃spoze.
ʒə sɥi tʁɑ̃pe, sεtə plɥi fʁwadə mə sεzi ʒyskoz- os.
ʒə sɥi la, fasə o ʁɥinə də la tavεʁnə də ʒanεtə.
ʒɑ̃tɑ̃ lə tɔksɛ̃ ki setufə !
lε vizaʒə də ʒɑ̃, dy kyʁe e dy klεʁ sefase lɑ̃təmɑ̃, dusəmɑ̃.
maʃinaləmɑ̃, ʒə lεvə ma mɛ̃, salɥ lasɑ̃ble ki sevanui dɑ̃ lə tɑ̃.
syʁ ma tεtə ʒi plasə ma kaskεtə.
œ̃ pø plys-o, maʁtinə mə ʁəɡaʁdə.
ɛ̃kʁedylə εllə mɛ̃teʁɔʒə.
« ki salɥ ty ɛ̃si ? »
« ɔ ! ʁjɛ̃ ! ʒə nə sε pa ! lɥi fi ʒə, ɛ̃kapablə də lɥi ʁakɔ̃te mɔ̃ sɔ̃ʒə.
» mε ? sa va ? mə dəmɑ̃də tεllə.
« ui, ui tʁε bjɛ̃, lɥi ʁepɔ̃di ʒə, sə ljø ε fɑ̃tastikə ».
« sε pʁənɑ̃, mə fi εllə dœ̃n- εʁ ɡʁavə.
ʒə savε bjɛ̃ kεllə pɑ̃sε a la pətitə ekɔlə detʁɥitə.
nuz- avɔ̃ ʁəpʁi nɔtʁə ʁutə.
œ̃ bʁεf ɛ̃stɑ̃, ɑ̃ pɔʁtɑ̃ lə ʁəɡaʁ vεʁ lə ʁetʁɔvizœʁ ɛ̃teʁjœʁ, ʒy lɛ̃pʁesjɔ̃ dapεʁsəvwaʁ la fyʁtivə siluεtə də ʒɑ̃ ki ʁəɡaʁdε nɔtʁə veikylə » selwaɲe.

εl. ʁusəlo

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Commentaires Sur La Poesie

Auteur de Poésie
10/07/2014 21:55Melly-Mellow

J’ADORE ! Ou comment faire d’un poème un véritable tableau, que dis-je une fresque, un film sous les yeux du lecteur !! Vraiment, mon coup de cœur.. J’ai été bluffé, les allées-retours, la rêverie, le fantastique, les souvenirs, les odeurs même me montaient au nez à la lecture.. IMPRESSIONNANT !
Je suis coi ! AUX PERSONNES QUI PASSERONT LA : Prenez le temps de lire.. C’est ingénieux, marrant et ça ne manque pas de sarcasme, de douleur, de mélancolie, mais tout en subtilité.. Vraiment admirable...
J’espère pouvoir relire des nouvelles de votre plume, vous avez un talent fou... Mais au final, cette belote.. On l’a fait quand 🙂 ?
Amicalement-

Auteur de Poésie
24/01/2015 20:18James

Bonsoir Loic,
Une bien belle nouvelle à lire
Un trè beau partage apprécié !
Amitiés
James

Auteur de Poésie
05/01/2016 20:53Loulette

Native de Metz,(pas très loin de Verdun) j’ai beaucoup apprécié votre "nouvelle"
C’est trés bien écrit, et on s’imagine aisément être dans ce décor,pluie, bouillasse!
Ce songe tout éveillé, vous a ramené au temps de votre jeunesse,dans ce Verdun meurtri,
vestige de nos guerres;
Incontestable "écrivain"!;respects,Monsieur.

Auteur de Poésie
05/01/2016 21:06Loic Rousselot

A Loulette,
Merci pour votre agréable visite et commentaire sur ce texte
que j’ai écrit avec ma femme suite à la visite d’un village détruit pas très loin
de chez vous.
Amitiés.
Loïc ROUSSELOT

Auteur de Poésie
05/01/2016 21:34Df

je me suis crue à Oradour/Glane, en Haute-Vienne, village détruit avec toute sa population, par les allemands pendant la guerre... que j’ai visité plusieurs fois avec toujours l’impression que les ruines encore résonnaient des mêmes souvenirs.... je frissonne...

Auteur de Poésie
05/01/2016 21:52Loic Rousselot

Merci DF de votre venue sur cette petite nouvelle.
Cela fait plaisir
Amicalement
Loïc ROUSSELOT