Poème:Puisque Ta Mère Est Morte

Sais-tu que moi aussi j’ai eu un jour ton âge ?
J’avais tout comme toi un océan de rage
Qui submergeait mon âme et desséchait mon cœur
Et cette rage ne servait qu’à me cacher mes peurs.
Je n’aimais pas les hommes et ne voulais de Dieu.
Ma chair se consumait dans un immense feu,
Un brasier si intense que je voulais encore
Affronter mes démons… et mon père était mort.

Sais-tu que moi aussi j’ai cru que j’étais seul ?
Je me drapais moi-même dans un terne linceul,
Refusant de m’ouvrir à ce monde incompris
A qui je refusais de négocier mon prix.
Je ne voulais ni prendre et encore moins devoir
Et n’avais que le vide comme horizon à voir.
Je voulais être maître de ma vie, de mon sort
Que je sentais fragile… et mon père était mort.

Sais-tu que moi aussi j’ai fini par grandir ?
Ce fut parfois ardu à force de devenir
Mais c’est au fond de moi que j’ai trouvé la force
De laisser faire l’amour enfoui sous l’écorce.
Si j’ai vendu mon âme en quelques concessions,
J’en ai eu pour excuse un manque de passion.
J’ai essayé, toujours, ayant raison ou tort,
De garder tête haute… et mon père était mort.

Sais-tu que moi aussi je me noie dans mes larmes ?
Je les cache pourtant derrière mes maigres armes
Et ne les laisse venir que dans la solitude
Qui accompagne parfois mes mornes certitudes.
Le temps s’est écoulé depuis longtemps déjà
Mais j’ai gardé en moi cet enfant au cœur las.
L’ai-je rendu moins faible ? L’ai-je rendu plus fort ?
Je l’ignore mais je sais que mon père était mort.

Sais-je que toi aussi tu traverses l’enfer ?
Je peux seulement te dire qu’il existe sur terre
Des moments de bonheur à défaut du bonheur
Et qu’il faut les saisir. Qu’importe le temps et l’heure.
Ne laisse pas ton cœur sombrer dans le sommeil,
Evite la morale, élude les conseils.
Pour vivre toute une vie, il faudra être forte.
Je sais, tu le seras… puisque ta mère est morte.