Poème:Un Enchantement Cruel

Personne ne pouvait prédire que son cœur volage
Pourrait un jour se faire mettre en cage,
Maintes fois il tomba amoureux, Tendre Don Juan
Offrant à ses amantes de tendres enchantements.

Tout petit enfant il faisait le bonheur de sa nourrice,
Tétant le sein nourricier avec un profond délice,
La brave femme fermait les yeux, s’offrant au bambin
Succombant au délice de l’angelot mutin.

Sa Mère apercevant le manège nourricier
Retira prestement son ange du sein béni,
La nourrice pleura à chaudes larmes le petit
Qui par jalousie lui fut prestement enlevé.

Commençant si tôt le chemin d’Eros
La jeune Mère nourrit elle même son angelot,
Son mari ne s’étonnait guère la nuit de l’entendre supplier :
- « Suce mon téton mon ardent aimé. »

De bambins il devint un adorable garçon,
Faisant le bonheur de ses maitresses
Toujours prévenant, apprenant ses leçons
Quémandant avec bonheur une tendre caresse.

A l’étonnement des ses parents il adorait l’étude,
Assis sur les genoux de mademoiselle Mathilde
Il répétait ses leçons dans une merveilleuse béatitude,
Dés l’âge de neuf ans en amour il avait son guide.

Inutile de compter ses amours de l’enfance à l’adolescence,
Il apprit des femmes les milles plaisirs des sens,
Oubliant dans ces tendres vertiges que le cœur
N’avait qu’une demande : tomber amoureux.

Alors qu’il était le « bel ami » des plus belles mondaines,
Que tous jalousaient sa trentaine fière et hautaine,
Aux Luxembourg on médisait à son passage
De ses nouvelles conquêtes posées à son bras.

Alors qu’il était de Paris le plus célèbre amant,
Il aperçut au bois de Boulogne une merveilleuse jeune fille,
Entourée de ses parents, âgée de dix huit ans,
Qui fit vaciller en un instant son cœur versatile.

Il commença sa cour auprès de la famille,
Riant avec le Père, s’amourachant de la maman
Dans le seul espoir de conquérir la fille,
Il voulait devenir au plus vite son amant.

Mais devant le manège du séducteur elle ne céda point,
Ses amis lui avaient raconté toutes ses conquêtes,
Elle ne rêvait pas à un aventurier, elle savait bien
Qu’il n’était qu’un voleur de baisers, de l’amour une girouette.

Elle se fiança avec un pharmacien,
Il assista caché derrière une porte cochère
A leur mariage, il sentait dans son âme une grande peine,
Devant leur bonheur un sourire amère.

Depuis ce jour il erre au Palais-Royal,
Sans personne à son bras,
Un grand vide, une vie si banale,
Seul dans les premiers frimas.