Poème:La Rue

Le pavé
La rue humide et sombre, aux heures les plus tardives de la nuit. La pluie ici aussi a laissée des traces brillantes de son passage. Le pavé sous mon pas semble résonner comme la peau d’un tambourin, dans ce silence insondable, silence de la ville, silence de la nuit. Chaque lumière, chaque lampadaire est une insulte au calme serein de cette nuit d’hiver. Encore un hiver sans neige, un hiver froid et humide, un hiver de peine et de solitude. A certaines fenêtres, malgré l’heure avancée brûlent encore des lumières. Des amants peut être qui ne se lassent pas de découvrir leurs corps, ou tout simplement un être pareil à moi regardant fixement son poste de télévision en attendant que le sommeil vienne le prendre. Je suis loin de leur vie, je suis loin de ma vie. J’aime marcher ainsi dans les rues désertés, quelques voitures me croissent rompant l’immense solitude qui vit dans cette multitude. Alors je prends les petites ruelles et je m’enfonce dans le cœur déserté de la cité. Ici, en journée, ce ne sont que magasins aux enseignes peintes, boutiques de souvenirs ou se côtoient poupées de chiffons et t-shirt. Tout est éteint à présent, le rideau est tombé, remplaçant la couleur par le gris métal uniformisé des grilles de fer. Pas âme qui vive en ces lieux, rien que mes pas sur le pavé. La cathédrale me fixe de ces yeux morts, sombres bâtisses renfermant dans ces murs la statue d’un dieu mort depuis de longs siècles. J’entends le murmure des prières des bâtisseurs imprimés à tout jamais dans la pierre. Je voudrais être des leurs, partager la foi et l’espoir simple d’un paradis. Mais j’ai choisi mon dieu dans l’humain, ma foi dans un visage et ma confession dans la solitude. Nul temple n’accueillera jamais les hymnes que je compose, et nul prêtre ne viendra en ces lieux pour chanter la gloire de mes désirs.
Je m’assois un instant sur les marches glacées de la grande bâtisse. La pierre la plus froide et le métal le plus dur ne sont rien face à la glace qui m’étreint. Je suis seul et ma souffrance prend son envol enfin, nul visage inconnu ou se lit une douleur plus grande encore, aucun sourire qui puisse pour quelques moments me donner un fragile espoir. Je suis le centre de mon monde, assis sur ces marches, tout ce qui m’entoure à présent ne sert qu’a chanter la peine et la perte que je ressens. La pluie recommence à tomber, conjuration du sort, je relève un peu mon col, mais ne bouge pas. Tu pourrais venir maintenant, si par quelque miracle, tu te réveillais ce soir, prise de l’envie soudaine d’aller te promener dans la ville, tu pourrais venir.
Folies de l’espérance, je t’appelle, je t’attends, et voici que surgissent dans mon cerveau malade, les plans les plus fous. Je te vois déjà venant à moi, étonnée de me trouver en ces lieux, je te vois déjà me prenant la main pour que de concert nous nous en allions par les rues. N’es ce pas toi au loin ? Non un reflet, une illusion, un mensonge cruel de la réalité. Je devrais rentrer à présent, retrouver ma chambre au lit misérable qui jamais ne gardera trace de ton parfum. Je devrais rentrer maintenant, essayer de construire une vie autour de ce qui n’est pas.
Mais je vais rester encore un peu, juste quelques instants car on ne sait jamais. Peut être viendras tu quand même, réveillée dans ton sommeil par la voix de mon âme, peut être que le chant de ma tristesse aura su t’émouvoir. Tu viendras un jour, si ce n’est ce soir ce sera demain ou l’an prochain, mais tu viendras. Peut être ?