Texte:A La Mer

Je me revois, m’accrocher à ce gros nounours en peluche plus grand que moi. Comme si je savais que j’aurais besoin de quelque chose à quoi me rattraper plus tard lorsque je chavirerais. J’avais ce sourire, innocent peut être, mais je ressens un mal-être, et plus je le regarde, plus je le vois disparaître.
Aujourd’hui cette peluche n’existe plus, pas plus que la bouée de sauvetage dont j’aurais besoin pour ne pas me laisser submerger par la vague immense de mes sentiments et qui tente de me noyer sans aucune peine, aucun regret.
Comme sur un bateau je regarde l’horizon et tout ce que je vois c’est l’iceberg dans lequel je fonce à toute vitesse sans rien n’y pouvoir changer. Et plutôt que de prendre les canaux de sauvetage que je croise, je les laisse aux premiers venus, comme si je pouvais survivre à la collision sans séquelles et sans aide.
Et pendant que tout le monde quitte le navire, moi je sombre dans l’eau glacée, et ne trouve pas de main tendue pour me faire atteindre la surface.
Je me regarde dans le miroir, fixer mes propres yeux comme si c’était ceux de quelqu’un qui croirait en moi. Me berçant d’illusion, le vide autour de moi me ramène rapidement à la réalité. Et je me retrouve de nouveau la tête sous l’eau sombre, ébranlée par le courant qui me malmène et me fait suffoquer.
Et lorsque je trouve enfin une île sur laquelle échouer, elle me renvoie comme une bouteille à la mer, préférant me laisser mourir que d’être entraînée toujours plus profondément sous les flots.
Comme un naufragé qui a perdu ses repères, je erre, j’observe le large et me demande si ce ne serait pas mieux de ne pas lutter, de me laisser enfin partir, enfin cesser de respirer… . Mais ce serait tellement simple, dans ce cas pourquoi ne pas directement la casser cette bouteille qui m’emprisonne et me tailler les veines avec les morceaux ? Pourquoi ne pas courir, faire front à ce tsunami qui arrive à vitesse grand V pour me détruire ?
Et finalement, quand la vague m’accable, quand enfin je peux m’éteindre sans souffrir davantage, je sens de nouveau ce cœur déchiqueté qui bat, et c’est un éternel recommencement.
Je suis condamnée à la douleur, condamnée à rester faible et sensible, condamnée à rester sur le sable en attendant l’ultime vague, celle qui mettra enfin un point final à mon histoire.