Prose:Les Tables Inversées

Il y a des pays où la nourriture devient un luxe,
où les enfants apprennent à compter les grains de riz
comme on compterait des perles rares.
Leurs ventres crient plus fort que les discours des hommes politiques,
mais personne ne semble entendre.

Et puis il y a ceux qui possèdent tout.
Les tables débordent de mets dorés,
de fruits que l’on ne voit jamais dans les marchés
où la poussière et la soif règnent.
Ils mangent avec des mains propres,
ignorant que, à quelques mers de distance,
des mains tremblantes cherchent un morceau de pain sec.

La faim ne se voit pas toujours.
Elle se cache derrière des yeux vides,
dans des rues silencieuses, dans des villages oubliés.
Mais elle est là, obstinée, insistante,
comme un vent qui ne se tait jamais.

Les nantis, eux, se croient invincibles,
leurs palais scintillent, leurs fêtes s’éternisent,
et ils ferment les yeux sur ce monde dissymétrique.
Le pain qu’ils jettent, le surplus qu’ils ignorent,
c’est le reflet d’un coeur aveugle
et d’une indifférence que rien ne semble troubler.

Pourtant, chaque main tendue, chaque bouche affamée,
est un cri silencieux, un rappel de notre humanité.
Et tant que la faim existera,
aucune richesse ne sera pure, aucune joie complète.
Car le monde, dans sa beauté et sa douleur,
n’est juste que si personne n’est oublié à sa table.