Poème:Le Film De Ma Vie

Première prise,
J’entends le moteur tourné,
J’essaie de mimer ce que j’ai lu,
Un scénario qui m’a touché.
Mon espace est précis,
Un petit monde s’agite autour de moi,
Je donne la réplique,
Je rentre dans la peau d’une autre,
Je joue à fleur de peau,
Une vie qui ne m’appartient pas,
J’apprends à la faire mienne juste un instant.
Il fait chaud,
La prise est tournée à l’extérieur,
L’histoire se déroule dans un décor paradisiaque,
Mon maquillage ne le supporte pas,
Une main experte accourt,
Retouche mes imperfections.
C’est pas moi cette femme pour qui tout est parfait,
Quand le soleil frappe, je le laisse me caresser,
Personne s’empresse de me changer,
C’est la vie d’une autre,
Qui me souffle cette mise en scène,
Et quand tout est terminé,
Tout recommence,
C’est le film de ma vie.
Moteur !
Silence, on tourne !
La prise en accélérée,
L’action ne dure que quelques secondes,
Je m’y applique,
Donne tout de moi,
Ou de l’autre,
C’est ma vie qui se lit,
Ce qui se passe en moi, retranscrit,
Je ne sais faire que ça !
On me dit que j’ai été merveilleuse !
Ou me le dirait-on en dehors d’ici ?
Cette espace est le mien, j’y rêve encore un peu.
On m’a choisi pour jouer,
Je prends mon rôle très au sérieux.
La précision, c’est mon métier,
La patience, sa vertu.
Toujours recommencer jusqu’à étaler ses tripes sur fond d’écran,
La caméra ne me quitte pas,
Elle m’accompagne du début à la fin,
Jouant l’instrument de mon image,
Ma fausse identité.
Au loin, le réalisateur sourit,
Il savait où aller et m’y a emmené,
Il me procure les ailes que j’ai tendance à égarer.
Et puis, Coupez !
C’est dans la boîte !
La descente est brutale.
Tout redevient normal et la chaleur encore plus écrasante !
Qu’une hâte,
Me réapproprier ce corps.
Je demande un taxi,
Dans le hall de l’hôtel, la clé de la chambre 406,
Un texte a révisé,
Noyée dans ce bain que l’on m’a fait couler,
Épuisée, je ne peux rien avaler,
Leurs photos posées à mon chevet,
Je m’en vais rêver des miens,
Quand les lumières s’éteignent sur cette pièce,
Le dernier plan reste dans la pénombre,
En attendant le prochain jour se lever.