Poème:Le Messager

L’enfant tenait serré sur son cœur
Le billet que lui avait donné sa sœur,
A l’aube en secret des parents il allait
Depuis des semaines tel un messager.

Il courait au milieu des champs,
S’enivrait des fragrances des pavots,
Sautait les maigres et nombreux ruisseaux
Vers la ferme voisine et Jean.

Sa sœur l’avait embrassé pendant la fête,
Posées ses lèvres contre celle du garçon,
Lors de la Saint Jean elle avait perdu la tête
Aussi ardente que les feux de Saint Jean leur passion.

L’enfant aperçut les murs de la ferme,
La Mère qui allait traire les vaches
Mais nul part il ne vit du garçon les moustaches
Où donc était passé l’énergumène.

C’est par le plus grand des hasards
Qu’il le trouva prés de la jolie Berthe,
La jeune fille était peu couverte,
Le Jean peu pantouflard.

Caché derrière les foins il vit leurs baisers,
Les mains du garçon se poser sur les seins
De l’obligeante rouquine qui jouait du bassin
Sous les assauts du Jean enchâssé.

S’éloignant des amants l’ enfant décida sur l’heure
De répondre à la lettre de sa sœur,
Il l’ouvrit et difficilement lut la missive :

- « Oh mon Jean
Pourquoi ne viens tu pas me voir
J’ai hâte d’embrasser ta bouche,
Je ne suis plus aussi farouche
Je suis prête à tout. »

Dans sa musette il sortit du papier et ses crayons
En soignant son écriture il fit la plus belle déclaration.
Il retourna joyeux vers la maison heureux de sa bonne action.

Prés du puits il aperçut sa sœur qui l’attendait,
Tout heureux il lui tendit la lettre promise,
Sa sœur l’ouvrit et au fur à mesure elle devenait
Aussi rouge que des écrevisses. .

Elle attrapa son frère et le secoua comme un vieux sac,
Le petit lui expliqua tout, le Jean et la Berthe,
La jeune fille le reposa et se mit à pleurer,
L’enfant lui demanda comment elle avait trouvé
Que sa jolie lettre n’était pas une vraie :

- « Gros béta, tu as utilisé tes crayons de couleurs,
Changeant à chaque mots la couleur,
Aime en rose bonbon, baisers en rouge,
Tu es un drôle de messager, tiens un bisou
De tous les garçons tu es le plus doux. »

Jamais sa sœur ne revit le Jean,
Et jamais il ne rejoua le facteur
Pour les affaires de cœur de sa sœur.