Texte:Le P’tit Veau

--Eh ! cours pas si vite !
où t’en vas-tu comme ça ?
--Faut qu’j’y aille
le boulot n’attend pas !
et i’m’faut gagner mes cent sous,
car l’épicier non plus
i n’attend pas ! !

--Allez, fils, t’emballes pas !
les patrons, c’est volerie et compagnie !
--oui, mais y a tonton, tata et tintin
i sont chez Sanzot le boucher
et c’est moi qui tue le veau qui dort.

Eh, mon gars, on n’est pas des bêtes !
laisse-lui finir son somme,
à c’te veau ; la vie, c’est la vie !
et les copains, sur la Somme ou à Verdun,
ils auraient bien aimé cinq minutes de rab
avant d’aller tuer le boche
ou s’faire trouer la peau…

--Bah ! le résultat est le même
au fond du trou ou dans son lit,
tous pareil qu’on finit
la gueule ouverte et les yeux clos !

--Ah non, fiston ! tu fais erreur :
ici-- tu rêves, et là --tu crèves,
ton veau comme les autres !
Et un « tu l’auras » plus tard vaut mieux
qu’un « tiens » dans l’bidon tout de suite !
Allez ! un coup de gnole avant le boulot
Une eau de vie maint’nant
plutôt qu’la mort ailleurs…